samedi 26 mars 2011

Jylgayak !

Jeudi dernier, départ en trombe en début de soirée pour se rendre au village de Chargaïta, dans lequel doit se dérouler le lendemain matin la cérémonie de Jylgayak, le nouvel an altaïen (un de plus !), également perçu comme l’accueil du printemps.
Malgré le numéro de téléphone et l’adresse de nombreuses personnes, j’arrive dans le village en pleine nuit, le taxi refuse d’attendre les explications téléphoniques de mes hôtes, et je me retrouve seul dans l’obscurité. Ici, pas de lampadaire pour éclairer une potentielle route.
Je m’oriente vers les maisons encore allumées pour y demander mon chemin. Arrivant près de l’une d’elles, je cherche tout d’abord le portail d’entrée, mais soudain, la lumière s’éteint. Pas de temps à perdre, je franchis la clôture, et avançant à l’affut des potentiels chiens de garde, je me dirige vers la porte de l’izbouchka (la petite izba).
Je toque. « Qui est-ce ? » en altaïen.
« C’est Clément, le français » réponds-je, afin de susciter la curiosité, ou tout du moins d’effacer toute crainte.
Ouvre alors un homme de petite taille, qui me lorgne avant de m’inviter à entrer. Je remarque tout de suite qu’il porte un kêdêguê, la fine tresse traditionnelle des hommes qui part du sommet du crâne, ornée à son extrémité de deux cauris. Il porte également une boucle d’oreille, et la seule personne que j’aie vu jusqu’à maintenant en porter une était un chamane.
Je lui demande son aide pour m’orienter, explique la raison de ma venue dans le village. Il me dit alors qu’il est chamane, également zaïsan, c'est-à-dire représentant élu du village. Cela signifie qu’il est considéré comme un ancien respectable connaisseur des traditions.
C’est lui qui conduira la cérémonie du lendemain, qui se déroulera non pas au lever du soleil comme le voudrait la tradition, mais en fin de matinée, car des personnes venant des autres villages du district seront là pour l’observer et apprendre de lui les gestes à effectuer.

Il me propose alors de dormir chez lui. Comment refuser cette invitation du chamane ?

Le lendemain matin, nous parcourons le village en tous sens pour préparer le lieu de la fête. Trois moutons ont été abattus (selon la méthode turque : une incision est pratiqué dans l’abdomen, on y glisse la main et l’artère principale partant du cœur est sectionnée, aucune goutte de sang n’est ainsi répandue à terre). Dans le hall de la mairie, les fils du chamane les découpent en vue de la cuisson.
Nous montons les tables, décorons le stade. Les invités et le public arrive, et la cérémonie commence. Comme décrit dans un précédent billet du blog, des libations et des offrandes au feu sont faites.

Le chamane devant le feu au moment des offrandes


Puis les enfants réunis autour d'un tas de neige se mettent à le frapper avec des verges, on intime à l'hiver de partir. Un cavalier blanc détruit ensuite le tas, et les enfants prennent congé de lui : "A l'année prochaine !"



Le repas est alors servi. Nous nous régalons de "mun" (le bouillon), de "kotcho" (le bouillon dans lequel sont ajoutés des flocons d'avoine), de "boursakh" (petites boules de pâte frite), de viande de mouton bouillie bien entendu, de gâteaux et de thé altaïen (salé, avec du lait et du "talkhan", farine de millet grillé, le remède contre la faim).

Tout le village se dirige ensuite vers la Maison de la Culture, où nous assistons à diverses représentations : chants et danses traditionnels altaïens et russes, discours et vœux des représentants de l'administration, mots des invités, théâtre autour du thème de Tataraskaï, personnage laid, sale et mal élevé en lequel le héros des épopées se transforme pour échapper à ses ennemis. Grimé de la sorte, il parvient à les tromper et à les vaincre.

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