La cérémonie Ot-Kaï (Feu-récitation épique en chant de
gorge) a eu lieu fin juin dans le parc « ethno-naturel » Ouch-Enmek,
dans le district d’Ongudaï. Outre maints artistes qui font aujourd’hui
référence dans le petit monde du chant diphonique altaïen (je rappelle que ces
gens portent le nom de kaïtchis), des invités de toute la Russie et de Mongolie
étaient présents. Cette cérémonie était organisée dans le but de rappeler
l’esprit du chant de gorge, le kaï-êêzi, sensé avoir disparu du corps des chanteurs
à l’époque soviétique. En effet, certains chanteurs sont dits être habités par
un esprit qui leur inspire leurs chants (ils sont alors nommés êêlu-kaïtchis).
Malheureusement, ces personnes se trouvent être en très petit nombre
actuellement, tellement petit qu’il n’y en a qu’un ! Et encore, cette
caractérisation, sujet de ma recherche, est elle-même sujette à
controverse : qui caractérise qui, comment et pourquoi ?
Bref, c’était pour apporter quelques nouvelles réponses à
ces questions que je m’étais rendu à cette céréonie. Nous étions donc réunis
presque à l’identique de l’année dernière attendant avec impatience que la nuit
tombe et que nous puissions assister au récit d’une épopée dans sn entier.
La journée, entre deux repas et excursions sur les sites
funéraires et pétroglyphes datant de l’époque scythe, des cérémonies
chamaniques se déroulaient. Celle du jeune chamane mongole était de loin la
plus attendue. Dit être très puissant, héritier des gestes et chants d’un grand
chamane, c’est avec surprise que j’ai pu mesurer l’intensité de sa
« force » lors de sa transe : il a vidé une bouteille et demie
de vodka en deux heures ! Son assistant lui servait avec dévouement de
grands godets d’une boisson nommée Chingis Khan que les esprits qui
l’habitaient réclamaient avec insistance. A terme de cet impressionnant rituel,
il ne paraissait même pas ivre ! Puis nous avons tous été invités à
nourrir le feu avec des aliments « blancs » (= purs), c’est-à-dire
préparés principalement à base de produits laitiers et farineux, apportés de
Mongolie par le chamane lui-même. De la viande de mouton a également été
offerte au feu, puis ce fut à notre tour de nous régaler de ces différents
mets. Pour terminer, nous fûmes invités à nous rendre à tour de rôle auprès du
chamane qui nous proposait une prise de tabac. Il fut demandé à certains de
s’agenouiller face à lui, afin qu’il puisse de son fouet les frapper, afin
d’ôter toute énergie négative de leur corps.
Débarassés de toute onde néfaste, nous étions prêts pour
soutenir les musiciens dans leur quête de l’esprit.